En Camargue, les activités humaines et la nature ont collaboré à la réalisation des paysages et des milieux. L’eau, le sel, la terre, le sable, le vent, parfois hostiles, se révèlent souvent de précieux adjoints.
Le petit grain de Camargue
Le riz de Camargue est la principale activité économique agricole depuis les années 1950. Par l’apport d’eau douce qu’elle nécessite, elle joue un rôle prépondérant dans la désalinisation des sols.
Une première tentative de riziculture a été menée dans les années 1870 pour dessaler les terres suite à l’endiguement total de la Camargue en 1860. L’arrêt des inondations du Rhône a mis fin au lessivage naturel des sols par l’eau douce du fleuve lors des débordements. Des stations de pompage ont été mises en place pour lutter contre la salinité naturelle du sol par l’irrigation des terres.
La riziculture lancée par l’État français durant la Seconde guerre mondiale est favorisée par le plan Marshall qui finance de grands travaux hydrauliques et l’achat d’équipements indispensables à une culture du riz intensive, faisant passer les surfaces cultivées de 400 hectares en 1944, à 3000 hectares en 1945, puis 30 000 hectares dans les années 1960.
Aujourd’hui plus de 200 riziculteurs produisent environ 100 000 tonnes de riz par an. Ce qui représente 15% de la consommation nationale. Les rizières contribuent toujours au maintien de l’écosystème camarguais en limitant la salinité de la terre et en régulant le débit du Rhône lors des crues.
Depuis 2000, le riz de Camargue bénéficie d’une indication géographique protégée (IGP) qui garantit sa provenance.
Le saviez-vous ?
En 1941, 2 000 jeunes indochinois (aujourd’hui vietnamiens, mobilisés en 1939 par l’armée française, sont envoyés en Camargue, les uns dans les salines ou les vignes, les autres pour lancer la riziculture. Leur savoir-faire sera précieux pour implanter durablement la riziculture en Camargue.
En 2014, une stèle commémorative de leur histoire a été élevée à Salin-de-Giraud en remerciement de leur contribution à l’essor de la riziculture en Camargue.
Les vins de Camargue : les pieds dans l’eau, les grappes au soleil
Présente en Camargue dès l’Antiquité, la viticulture se développe sous le Second Empire et notamment lors de l’épidémie du phylloxéra. Il faut dire que l’insecte importé d’Amérique, ne résiste pas à l’immersion pratiquée chaque hiver pendant 40 à 50 jours. Alors que le vignoble européen est ravagé, le delta du Rhône devient le refuge de la vigne grâce à la submersion et au sol sableux qui permettent d’étouffer les larves de cet insecte qui tue les pieds de vigne par la racine, ici, elle résiste. Aujourd’hui les viticulteurs de Camargue pratiquent une viticulture qualitative appréciée des amateurs de soleil, de fruits et de fraîcheur. Certains pratiquent toujours la submersion pour limiter les traitements.
Le savez-vous ?
Originellement utilisées à la fin du XIXème siècle pour lutter contre le phylloxéra, les inondations volontaires servent aujourd’hui principalement à diminuer le taux de sel dans les terres des vignobles.
La pomme de terre des sables
Pour éviter les désagréments d’une monoculture intensive, les exploitations agricoles se diversifient : blé dur, colza ou sorgho comme cultures intermédiaires. On trouve aussi des exploitations de maraîchage : melons, carottes, asperges, tomates…, et la désormais fameuse pomme de terre primeur des sables.
Sur le Parc et ses territoires limitrophes, une dizaine d’exploitants produisent la pomme de terre primeur des sables en agriculture biologique ou en mode d’agriculture raisonnée. Son goût subtil lui vient des sables de mer où elle est cultivée.
Le roseau, trésor des marais
Emblématique de la Camargue, le roseau phragmite est partout où se porte votre regard. Cette espèce typique des milieux humides pousse essentiellement au bord des étangs, des cours d’eau ou des fossés.
Refuge des oiseaux, riche d’une grande biodiversité, le roseau appelé sagne en Provence, est un matériau exploité par les camarguais depuis 700 ans. Naturelle et écologique, la sagne, est utilisée traditionnellement en Camargue, notamment pour couvrir les toitures des cabanes, elle fournit aussi des « bottes » pour l’écoconstruction, les brise-vent, les affûts de chasse…, ou encore des paillassons pour couvrir les cultures. Le roseau couvre plus de 9200 hectares en Camargue. Les sagneurs, que l’on peut parfois apercevoir sur leur embarcation, le nego-chin, exploitent actuellement 2000 ha de roselières, une activité qui contribue à l’entretien et à la valorisation des marais ainsi qu’au maintien des équilibres écologiques.
La cabane Carmarguaise
La cabane camarguaise dite “de gardian”, reconnaissable par sa forme, sa blancheur et son toit de chaume, est l’habitat traditionnel des camarguais. En effet, ici, pas de pierre ni de carrière, il a donc fallu composer avec les matériaux disponibles sur place : l’argile, les pierres de récupération, le tamaris et le roseau.
Particulièrement adaptée au climat régional, la cabane mesurait de 7 à 12 mètres de long et entre 4 et 5 mètres de large et son intérieur était constitué de 2 pièces séparées par une cloison de roseaux. Sa forme arrondie orientée au nord – nord-ouest, est conçue pour résister au mistral, la toiture pentue à deux versants permet aux pluies rares mais violentes de s’écouler rapidement, les ouvertures sont étroites et rares, les murs en roseaux sont recouverts d’un enduit blanchi à la chaux. Sur son toit, l’extrémité de la « travette » s’achève par une croix.
Pour visiter une cabane de gardian, rendez-vous à Port-Saint-Louis-du-Rhône.
Des animaux et des hommes
L’identité camarguaise est indissociable de l’élevage extensif de chevaux et de taureaux qui contribuent à la préservation des milieux. Depuis les années 1970 les manades se tournent vers l’accueil touristique et jouent un rôle pédagogique auprès des visiteurs : expliquer leur métier, transmettre leur passion et le respect de la nature.
Le mouton
Cela vous surprendra sans doute, mais du moyen-âge au début du XXème siècle, le mouton fut la principale activité d’élevage dans le delta du Rhône. Dans les vastes pâturages camarguais on pourra, au XVIème siècle, voir des troupeaux comptant jusqu’à 20 000 têtes. Il a encore quelques décennies, chaque été, des milliers de moutons quittaient les plaines provençales pour rejoindre les Alpes. Une transhumance annuelle guidée par les drailles (pistes empruntées par les troupeaux) conduisait des milliers de bêtes parties de Camargue et du plateau de Crau, entre Arles et Fos-sur-Mer, pour rejoindre, au terme d’un périple de plusieurs centaines de kilomètres, les hautes vallées des Alpes, du Vercors ou des Cévennes. L’animal prioritairement élevé pour la qualité de sa laine, est issu du croisement entre la race locale et celle du mouton Mérinos d’Espagne. En 1922, Arles inaugure un grand marché de la laine et de grands entrepôts sont construits. Cette foire s’est maintenue dans les années 1970, a été relancée par les éleveurs en 2013.
L’emploi de laines synthétiques pour la confection a marqué un déclin de l’activité dès la fin des années 1950. La laine de Mérinos d’Arles réputée pour sa finesse et sa qualité connaît un regain d’intérêt. On compte encore 12 000 têtes sur le territoire du Parc naturel régional de Camargue.
La Maison de la Transhumance, installée au cœur de la Crau, sur la commune de Salon-de-Provence propose animations et expositions et agit pour valoriser le Mérinos d’Arles et la pratique de la transhumance. Le GR 69 La Routo est un sentier de randonnée qui d’Arles au Piémont Italien retrace la voie de transhumance et met en lien de nombreux partenaires publics et privés engagés dans la valorisation de l’élevage ovin, de ses pratiques et les produits qui en sont issus.
Le taureau
Le taureau fait partie du paysage camarguais dont il est devenu emblématique. D’origine locale, la « Raço di Biòu », il peuple les espaces camarguais. Plus léger, plus nerveux et plus rapide que son cousin espagnol, il porte en lui le caractère bien trempé du pays dans lequel il grandit. Élevé exclusivement en ex térieur et en semi-liberté, en troupeaux, appelés manades, son mode d’élevage extensif contribue à l’entretien des milieux de Camargue.
Cette race encore considérée comme sauvage, a longtemps été utilisée pour les travaux agricoles avant d’évoluer vers les jeux taurins et notamment la course camarguaise. Les taureaux non sélectionnés pour la course camarguaise sont destinés à la consommation – AOP taureau de Camargue , avec une viande particulièrement appréciée que l’on retrouve dans la célèbre spécialité d’ici : la gardiane de taureau.
Les jeux taurins
Dans l’arène, le vaillant biòu défend les attributs placés sur ses cornes que les raseteurs, munis d’un crochet, doivent attraper. Après une performance lors de la course camarguaise dans un affrontement spectaculaire avec les raseteurs, certains taureaux, parmi les plus courageux, pourront acquérir un véritable statut de « star des arènes ». Une fierté, pour le propriétaire de la manade dont le taureau est issu.
En Camargue mais également au-delà, dans le Gard et l’Hérault fortement influencés par la culture camarguaise, chaque village vit au rythme des abrivados et des bandidos durant les fêtes votives. Environ 18 000 à 20 000 taureaux sont élevés dans plus de 150 manades. Le cheval, indissociable du taureau, est étroitement associé au travail du gardian qui conduit le tri du bétail.
Le cheval Camargue
On dit du cheval Camargue que son origine est très ancienne, sans doute originaire d’Asie ou d’Égypte. La présence de chevaux en Camargue est signalée dès l’Antiquité romaine : l’élevage même fut encouragé par Jules César à destination de l’armée.
Rustique, endurant, ce petit cheval est particulièrement adapté à l’environnement et au climat de la Camargue. Comme le taureau, il vit en extérieur, en semi-liberté, et s’alimente d’une large gamme de plantes comme le roseau dont il raffole. Sa présence contribue à la gestion et à l’entretien des zones humides.
Vif, agile et coopératif avec l’homme, il a été cheval de bât, cheval de guerre, cheval des camisards cévenols, avant d’endosser sa mission de guide des troupeaux de taureaux.
Si vous voyez un jeune poulain, vous pourriez être surpris. En effet, le poulain Camargue naît de couleur bai. C’est en grandissant qu’il s’éclaircit : tout d’abord autour des yeux et du nez puis la couleur gris foncé de sa robe ne cesse de s’éclaircir jusqu’à l’âge adulte, vers 5 ans. Après quelques mois, le poulain est marqué du blason de l’élevage, sociabilisé par les manadiers puis débourré par un gardian. Une fois dressé et monté vers l’âge de 3 ans, il vivra en semi-liberté et commencera à conduire les troupeaux. Docile, le cheval Camargue s’est imposé comme cheval de loisir, on le retrouve également dans le spectacle, l’attelage ou même l’équithérapie.
Le savez-vous ?
Une légende raconte que le cheval de Camargue serait « né de l’écume de la mer ». Le récit rapporte qu’un homme poursuivi par un taureau noir sur la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer n’eut pas d’autre choix que de se jeter à la mer. Alors que les flots l’emportaient, il fut sauvé par un étalon envoyé par Neptune. Le cheval sortit de l’écume et lui dit : « Je ne serai jamais ton esclave, mais ton ami ». L’homme apprivoisa l’étalon durant trois jours et celui-ci devint à la fois son meilleur ami et le 1er de la lignée des chevaux de Camargue.